Le musée, 1 500 spécimens en vitrines panoramiques
UNE COLLECTION… DES COLLECTIONS !
La collection de minéraux de l'université est composée d’environ 16 500 spécimens qui se répartissent entre la collection exposée et un fonds en réserve.
Ce fonds (environ 15 000 spécimens) comprend la collection des types (les spécimens qui ont servi à la découverte de nouvelles espèces minérales), les collections systématiques (localités et espèces), la collection de prêts (spécimens de qualité en double pouvant être prêtés pour des expositions extérieures) et la collection de doubles (non inventoriés).
S’y ajoute une collection d’ouvrages historiques ou de documentation ainsi qu’une collection de modèles cristallographiques et quelques instruments scientifiques. Les collections systématiques et de doubles sont surtout destinées à la recherche.
Sur les 4 200 (environ) espèces minérales connues, la collection en possède environ 1 500.
Des liens étroits avec la recherche
Des liens très forts avec les chercheurs de l'Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (ex-Institut de minéralogie et physique de la matière condensée) et d’autres chercheurs du campus ou d’ailleurs, ont été établis ce qui permet à la collection d’être un acteur important dans la vie scientifique. Une attention toute particulière a été apportée pour suivre l’évolution de la science. La détermination des espèces nouvelles, qui représentait la part la plus importante de la minéralogie, n’est plus qu’une activité annexe. Les minéraux entrent maintenant dans un grand nombre de disciplines scientifiques comme la physique du solide, la cristallographie, la spectroscopie, l’écologie, l’archéologie, le magnétisme, la gemmologie ou d’autres encore.
La Nature plus forte que la synthèse
Les scientifiques se sont aperçus que les cristaux, formés dans les entrailles de la Terre, sont souvent d’une meilleure qualité que les cristaux que l’on synthétise en laboratoire. Ils se sont aussi aperçus qu’il sont des témoins irremplaçables de l’histoire de la Terre et des phénomènes qui s’y produisent.
Qui aurait pensé, il y a de cela quelques décennies, que les minéraux d'arsenic découverts dans les mines de Sainte-Marie-aux-Mines seraient utiles dans la décontamination de friches industrielles, que les minéraux oxydés de fer et de nickel ou les minéraux métamictes le seraient dans l'étude du stockage des déchets nucléaires, que l'analyse spectrométrique des sites de chrome dans les rubis et les spinelles amènerait à la révision de modèles utilisés dans la croissance de couches minces si utiles dans les dispositifs microinformatiques ? Qui aurait imaginé que les cristaux naturels de cuprite ou ceux d'oxydes de manganèse, utilisés en physique du solide, sont de meilleure qualité que les cristaux de synthèse, que les cristaux de quartz naturels sont encore indispensables dans l’élaboration de cristaux synthétiques ? Pouvait-on deviner que les récentes théories sur l'apparition de la vie sur Terre impliqueraient autant certaines surface cristallines ? Chaque année, des dizaines d’échantillons quittent la collection pour être utilisés dans la recherche scientifique.
La collection exposée comprend environ 1 500 spécimens qui représentent plus de 500 espèces minérales différentes qui comptent souvent parmi les plus esthétiques et/ou les plus importantes dans les sciences, les applications industrielles ou les arts.
À la recherche des meilleurs spécimens
Pour une espèce donnée, la politique est d’essayer d’atteindre le plus haut niveau de qualité en référence avec les critères muséologiques internationaux, l’idéal étant d’acquérir le meilleur échantillon connu. Ce qui n’est pas simple. La qualité des minéraux a énormément évolué ces dernières décennies grâce aux développement des transports, aux changements politiques, et surtout à l’engouement d’un public, de plus en plus large, pour les collections de minéraux. Des spécimens, longtemps considérés comme exceptionnels, sont relégués dans les tiroirs à la suite de nouvelles découvertes. C’est le cas, par exemple de deux espèces assez courantes comme l’axinite et la cassitérite. Pendant plus de deux siècle, la France pouvait s’enorgueillir d’avoir les gisements produisant les plus belles axinites connues, jusqu’à ce que l’on découvre les gisements russes de l’Oural polaire. La cassitérite, quant à elle, constitue le principal minerai d’étain. Avidement recherchée, elle a été récoltée dans de nombreux gisements qui ont fourni un nombre considérable d’échantillons de collection… déclassés par ceux découverts récemment dans les riches gisements chinois.
Ce qui est vrai pour les espèces courantes l’est encore plus pour les espèces rares. Pendant longtemps, les meilleurs spécimens de kermesite ont été ceux trouvés dans une mine du Zimbabwe. Quelques dizaines d’échantillons, à peine, faisaient la fierté de quelques rares musées minéralogiques. En 2002, la découverte en Chine d’une crypte à cristaux, a fourni des centaines de kermesite de la meilleure qualité. Que l’on ne s’étonne pas que près de 60% des minéraux exposés à Jussieu ait été acquis ces quatre dernières décennies !
LES CONDITIONS D’EXPOSITION
La présentation des minéraux de la collection de Jussieu est directement inspirée de celle qu’avait conçu l’architecte français Vincenot pour le trésor de la couronne d’Iran. Les visiteurs qui entrent pour la première fois dans la salle d’exposition sont immédiatement saisis par l’atmosphère lumineuse produite par une centaine de projecteurs spéciaux (« l’oeil de Wendel »), soigneusement dissimulés, scintillants comme des étoiles dans la nuit.
La salle contient 24 vitrines panoramiques qui permettent d’observer les minéraux sous des angles variés. Chacune d’entre elles est éclairée par 4 projecteurs qui mettent en valeur les volumes et les couleurs. Les spécimens de grandes dimensions sont présentés dans des vitrines murales plus classiques.
Ce mode de présentation ne fait pas que répondre à des motivations esthétiques : beaucoup de minéraux demandent des conditions d’exposition très strictes. Formés sous terre, depuis des périodes géologiques parfois considérables (atteignant parfois des milliards d’années), on pourrait penser qu’ils sont presque éternels. Il n’en est rien. Une fois extraits de leur milieu de formation, les minéraux sont exposés à des conditions nouvelles et certains d’entre eux peuvent être détruits ou perdre certaines qualités.
Les diamants ne sont pas... éternels
L’air est particulièrement corrosif : le gaz carbonique produit le vert de gris sur les cuivres natifs, les oxydes de soufre (produits par la combustion des gaz) noircissent les argents natifs et l’oxygène conduit à la terrible “maladie de la pyrite” qui a détruit tant de sulfures (outre la pyrite, la pyrrhotite, certains sulfures de cuivre, l’arsénopyrite et la marcassite sont particulièrement sensibles). Cette maladie se traduit par l’apparition d’efflorescences de sulfates. Elle a pendant longtemps été mal comprise, certaines collections en était exemptes, d’autres étaient ravagées. Ce n’est que récemment que l’on a découvert que cette maladie est due à des bactéries qui “se nourrissent” des minéraux. Pour qu’elles se développent, ces bactéries ont besoin de chaleur et d’une certaine humidité.
L’humidité, ou plutôt le degré d’hygrométrie, est un vrai casse-tête. Certains minéraux comme le sel gemme risquent de fondre s’il y a trop d’humidité, d’autres comme le borax risquent de perdre leur eau de constitution et de se réduire en poudre, s’il n’y en a pas assez. Les cristaux géants de vivianites d’Anloua au Cameroun, qui se sont formés dans des marais, contiennent beaucoup d’eau qui en se libérant détruit les cristaux. L’immense majorité des cristaux de vivianite a disparu ainsi.
La seule recette connue pour leur préservation est de les stabiliser régulièrement avec des vernis et d’éviter les fortes variations thermiques. Les particules véhiculées dans l’air (poussières, gouttelettes d’huiles, etc.) altèrent la brillance des cristaux. Les changements de température et de pression ont des effets dévastateurs sur certains minéraux hydratés (comme certains sulfates) qui, quelques soient les conditions de conservation habituelles, ont une durée de vie limitée : soient ils se dessèchent, soient ils se dissolvent en libérant l’eau qu’ils contiennent.
La lumière (surtout le violet et les ultraviolets) est aussi une source de souci. Le réalgar, par exemple, se détruit sous son action. Les minéraux d’argent colorés noircissent. Certains minéraux se décolorent rapidement comme les topazes de couleur cognac ou les spodumènes verts. Plus surprenant encore, mais plus heureux, certains minéraux y acquièrent leur couleur comme certains spodumènes ou quelques silicates comme la sodalite.
Les conditions d’exposition sur le campus limitent bien ces risques. Les projecteurs ont des filtres anti-ultraviolets et comme ils sont situés à l’extérieur des vitrines, il y a peu d’échauffement. Le niveau d’éclairement obéit aux recommandations émises par l’ICOM (International Council of Museums) pour la préservation des objets d’arts dans les musées.
Les vitrines sont presque hermétiques : les minéraux sont à l’abri de la poussière et bénéficient d’une bonne protection contre les variations de température et d’hygrométrie. L’hygrométrie de la salle, de même que sa température et ses variations, sont satisfaisantes.
L’ORGANISATION DE L’EXPOSITION
Le contenu des 24 vitrines panoramiques est rangé de telle sorte qu’il suit à peu près la classification chimique habituelle des minéraux, celle que l’on trouve dans la plupart des ouvrages de minéralogie.
Cette classification repose sur 10 grandes familles qui sont rangées comme suit dans la collection : les éléments, les halogénures, les oxydes, les sulfures et sulfosels, les carbonates, les composés organiques, les borates, les sulfates, les phosphates, et enfin les silicates.
Ces familles se subdivisent elles-mêmes en sous-familles. Normalement, une famille occupe une ou plusieurs vitrines lorsque le nombre des échantillons le permet. Ce qui n’est pas toujours le cas. Les familles contenant peu de spécimens sont intégrées dans des familles plus importantes : les borates sont dans une vitrine partagée avec des sulfates, les composés organiques (avec un seul spécimen exposé : la whewellite !) sont dans une vitrine de carbonates. Plusieurs grandes familles ont été divisées selon leurs sous-familles. Les chromates wolframates et molybdates (appartenant à la famille des sulfates) occupent une vitrine spéciale. Les silicates ont été présentés selon les sous-familles habituelles basées sur des considérations structurales. Ce sont les nesosilicates, sorosilicates, cyclosilicates, inosilicates, phyllosilicates et tectosilicates. Le cas de la silice, représentée par deux minéraux, le quartz et l’opale, et de nombreux spécimens, est un peu particulier. Normalement de par sa formule chimique, c’est un oxyde, mais d’après sa structure, on peut la considérer comme le minéral introduisant la famille des silicates. C’est ce second choix qui a été fait.
La visite de la collection suit donc le cheminement suivant :
Éléments natifs (vitrine 1), Halogénures (vitrine 2), Oxydes et hydroxydes (vitrines 3 et 4), Sulfures et sulfosels (vitrines 5 à 7), Borates (vitrine 8), Sulfates (vitrines 8 et 9), Chromates, wolframates et molybdates (vitrine 10), Carbonates (vitrines 11 et 12), Phosphates, vanadates et arséniates (vitrines 13 à 15), Silice (vitrine 16), Nesosilicates (vitrines 17 et 18), Sorosilicates (vitrine 19), Cyclosilicates (vitrine 20), Inosilicates (vitrine 21), Phyllosilicates (vitrine 22), Tectosilicates (vitrines 23 et 24)
Les vitrines murales reçoivent les minéraux de grandes dimensions sans suivre de classification particulière. Une petite partie d’entre elles est réservée à la présentation des nouvelles acquisitions dignes d’être exposées (une dizaine par an environ). Elles sont aussi utilisées pour des expositions temporaires.